Dernier roman d’Hemingway (paru en 1952), est un conte. Un petit roman considéré comme un essai car il est succinct.
L’ouvrage raconte une jolie histoire d’amitié entre un vieil homme, le vieux Santiago et un jeune du nom de Manolin. Les 2 amis partent pêcher ensemble au large de Cuba. La pêche est loin d’être miraculeuse puisqu’ils n’attrapent rien durant les premières heures. Puis les 2 marins ferrent un espadon géant qui va leur résister pendant trois longs jours. Bien que le vieux fût vainqueur du combat, hisser cette grosse prise sur sa petite embarcation s’avèrera impossible. L’espadon finira finalement dévoré Le vieil homme et la mer par les requins.
La morale de cette histoire est malgré tout celle d’un homme apaisé, courageux, et digne malgré sa modeste condition. On retient également la belle et solide amitié entre le vieil homme et l’enfant tendre.
Cette histoire est peut-être le reflet de la quête spirituelle d’Hemingway qui partageait sa vie entre l’Espagne et Cuba. Quête qu’il a porté en lui pendant ses trente années à traquer lui aussi le gros dans la mer des Caraïbes. La pêche était sa passion.
Il faut peut-être chercher la genèse du livre dans l’enfance de l’écrivain, qui apprit à pêcher avec un certain Vollie Fox, célèbre pour avoir attrapé, un jour, un brochet gigantesque, surnommé The Fish.
Quand on visite la propriété d’Ernest Hemingway « La Finca Vigia » à Cuba, bien que cette villa au style colonial à la vue imprenable ne donne pas sur la mer, on imagine aisément à quel point les paysages et magnifique aménagements qu’Hemingway avait mis en place, pouvait être une belle source d’inspiration. Tous les bureaux et bibliothèques était tournés vers les paysages de mornes et de plaines que l’on peut encore apercevoir à perte de vue. Sans compter la vigie, … originale qui surplombe cette villa de la Havane.
Cet ultime chef-d’œuvre, Le vieil homme et la mer, est selon moi incontournable. Je ne suis pas la seule à le penser puisqu’elle valut à Hemingway le prix Pulitzer en 1953 puis le prix Nobel.
Bonjour Mariella,
Suite à votre article, j’ai lu le Vieil Homme et la mer que je viens d’achever.
Je pense que vous avez raison, c’est en effet un voyage initiatique. Le vieux Santiago ne part pas tant à la recherche du poisson que de lui-même. Comme il le dit à un moment donné « je suis né pêcheur comme il est né poisson ». C’est un personnage à la fois simple et complexe qui se définit entièrement dans sa relation à la pêche et à la mer.
Le fait qu’il se retrouve seul en mer pendant 3 jours permet à Hemingway de pousser très loin l’introspection et de faire se poser à Santiago des questions existentielles comme « pourquoi j’ai tué ce poisson? » La première réponse est la plus simple: pour ne pas mourir de faim. Mais après il comprend que c’est par orgueil qu’il l’a tué. D’où la question de savoir si son acte est bon ou mauvais. A laquelle il apporte une réponse intéressante « C’est pas mal que je l’ai tué si je l’aimais »
La question mérite d’être posée: peut-on tuer quelqu’un par amour? Je dis « quelqu’un » car pour Santiago le poisson est une personne.
Je pense que dans son cas, le meurtre du poisson est la conséquence de son envie de le posséder. Il est un pêcheur malchanceux et l’espadon est le plus beau poisson qu’il ait jamais vu. S’il le laisse s’échapper, il ne le reverra plus jamais.
Pour le garder auprès de lui, il n’a pas d’autre choix que de le tuer mais c’est un acte d’amour comme on le voit bien dans sa réaction quand le corps du poisson est mutilé par le requin Mako. Santiago ne veut plus le regarder car la morsure du requin a abîmé la perfection physique du poisson.
Cet essai, très beau m’a fait penser à une nouvelle que j’ai lu il y a longtemps « le squall ». Un jeune garçon est emmené en mer par son père pêcheur et pendant le voyage, un squall majestueux émerge des flots et le regarde dans les yeux avant de replonger.
Y voyant une malédiction, le jeune garçon décide d’éviter la mer pour le reste de ses jours. Pourtant s’il évite de prendre la mer, il devient armateur et bâtit une flotte de pêche.
Au crépuscule de sa vie, il comprend qu’il ne peut éviter éternellement son destin et s’embarque comme Santiago sur une petite barque avec un harpon pour seule arme, prêt à en découdre avec le squall.
Ce dernier le rejoint et lui reproche de l’avoir fui toute sa vie car il était le messager du dieu des océans mandé pour lui remettre une perle magique qui lui aurait apporté le bonheur et la prospérité. Mais maintenant ce présent ne sert plus à rien car le vieux va mourir et le squall aussi car il est épuisé. La barque dérive et on retrouve leurs cadavres.
Le poisson est un peu la perle magique de Santiago, celle qui doit lui apporter reconnaissance et prospérité mais il ne parvient à l’obtenir qu’au crépuscule de sa vie.
La toute fin du roman m’a inspiré un questionnement. Santiago a-t-il vraiment chassé un espadon?
Dans la version française, les termes « espadon » et « merlin » alternent au début pour désigner le poisson puis quand un touriste demande à Manolin ce qu’est le poisson arrimé à la barque de Santiago, il répond « Tiburon » puis « requine » c’est-à-dire requin en espagnol.
Si c’était un espadon il aurait dû répondre « Pez esapada ».
S’agit-il d’un mensonge destiné à préserver le poisson de la convoitise des touristes ou Santiago, comme il se le demande parfois dans son délire, a-t-il rêvé avoir ferré un espadon alors que c’était un requin?
En tout cas, je vous remercie pour cet article qui m’a permis de faire cette belle lecture.
Je suis très touchée par ce magnifique article très détaillé. Hemingway mérite que l’on s’attarde sur ses œuvres. Votre analyse me donne envie de vous dire que vous êtes également un auteur agréable à lire.