Le secret d’Adèle de Valérie Trierweiler

La dame en or de G. Klimt
Comment savoir à quoi s’attendre en lisant le dernier roman de Valérie Trierweiler après avoir lu « Merci pour ce moment ». Poussée par la curiosité je me plonge dans le dernier opus de cette journaliste connue pour son caractère impétueux mais aussi pour être une plume de qualité pour Paris Match.
C’est avec douceur, tendresse et compassion que le lecteur fait connaissance avec Adèle Bloch-Bauer, le modèle le plus célèbre du peintre Gustave Klimt, qui, sur son lit de maternité, apprend le décès de son nourrisson.
Pas tout à fait une biographie, peut-être plus attachant, il s’agit d’un roman nourri de faits réels, d’événements importants et d’émotions intenses. Valérie Trierweiler est partie sur les traces d’Adèle Bloch-Bauer et de sa famille, a Vienne.
L’enquête est poussée, sérieuse et fascinante. Mais c’est la description de la passion d’adèle qui émeut le lecteur. Valérie semble empathique envers cette jeune femme qui nourrit un amour fort et secret pour le peintre en vogue de l’époque Gustave Klimt, amour qui n’est pas vécue avec la même intensité du coté de l’artiste habitué à séduire ses modèles féminins.
Nous allons découvrir que cette belle femme auréolée d’or par Klimt « la femme en or », par sa courte vie, son mariage de raison avec le fortuné Ferdinand, ses drames personnels répétés en font une personne touchante.
Auprès de cet artiste qui transpire la sensualité, Adèle retrouvera son entrain et sa joie de vivre même si son sourire reste énigmatique. Elle ose parler de sexualité avec cet homme alors qu’elle n’a jamais osé le faire avec son époux. Elle deviendra tendresse et s’affranchira des carcans de son éducation et des conventions sociales auprès de ce libertin. Durant les séances de pose Adèle se détache de ses chagrins, de son ennui. Elle tente d’être le genre de femme qu’elle a toujours voulu être et qu’elle retrouve dans les journaux étrangers, une femme libre qui défie les règles et s’émancipe.
Les mois s’écoulent et la toile s’achève, Adèle découvre une autre personnalité plus sombre du peintre et la passion s’éteint peu à peu laissant la place à une affection profonde.
J’ai trouvé ce roman doux et fort sympathique. Il rend un bel hommage à Adèle, une jeune femme qui a tenté à sa façon de s’affirmer au sein d’une société conservatrice. Les ors de son portrait scintillent encore un peu plus et le portrait d’Adèle fait encore échos un siècle plus tard.
A ceux qui pense que Valérie Trierweiler n’a aucun style je répondrai que tous les goûts sont dans la nature néanmoins la douceur et la fluidité peuvent parfois suffire à ce que le lecteur passe un délicieux moment.
Bien entendu il est impossible de ne pas faire le lien avec un des épisodes de la vie de l’auteure, le lecteur n’est pas dupe. On remarque tous les détails communs aux deux femmes emportées par la passion, mais cela ne gâche pas le plaisir, bien au contraire. Nous les voyeurs discrets, nous comprenons non seulement ce qu’a pu vivre Valérie mais aussi et surtout qu’enfin la page est tournée.
Félicitations Valérie
Suite à votre commentaire, j’ai moi aussi dévoré le secret d’Adèle. Je ne connaissais le personnage d’Adèle Bloch-Bauer que par les courtes apparitions qu’elle fait dans le film « la femme au tableau » (2015).
Ce qui m’avait marqué à l’époque était la beauté mélancolique de cette femme magnifiée par Klimt mais qui semblait fatiguée de la vie.
Dès les premières pages de l’ouvrage, on comprend et partage les sentiments d’Adèle. Je ne connaissais pas à Valérie Trierweiler une plume aussi sensible, j’ai été agréablement surpris.
Adèle est une femme de la fin du XIXe siècle. Elle grandit dans un milieu privilégié fait de mondanités, de commérages et d’apparences où le paraître l’emporte sur toute autre considération que Renoir a mis en scène dans « la règle du jeu ».
Elle maîtrise les codes de cette société et a accepté d’épouser un homme qui aurait pu être son père car il est du même milieu qu’elle mais ses drames personnels en font un personnage tragique en rupture avec le monde auquel elle appartient.
Il y a un peu d’Emma Bovary dans Adèle Bloch-Bauer comme le fait remarquer Valérie Trierweiler, ce côté jeune femme romantique mariée trop tôt et naïve en amour.
Ferdinand Bloch est un mari exemplaire mais quelque peu égoïste. Lorsqu’il dit à Adèle « J’ai besoin que vous viviez », il pense à son propre bonheur mais néglige de comprendre les causes de la dépression de son épouse. Il la jette sans s’en rendre compte dans les bras de Klimt car inconsciemment, il pense qu’Adèle lui appartient, qu’il lui a donné tout ce qu’une femme de son milieu peut espérer: le confort matériel, la position sociale, sa bienveillance.
Mais il ne voit pas ce qui manque à Adèle et qu’il ne lui donne pas: la passion.
La relation d’Adèle et Klimt m’intrigue un peu. Lorsque je vois « Judith et Holopherne » de Klimt, je vois une femme dominatrice, cruelle et terrible.
Dans leur relation, Klimt a pourtant clairement l’ascendant sur Adèle. J’avoue qu’autant j’ai compris sous la plume de l’auteur ce que Adèle voyait en Klimt, le besoin de sensualité qu’il comble en elle, d’érotisme, de transgression… autant je n’ai pas vu ce que Klimt voit en elle.
Quant il lui dit qu’il l’aime, il n’est pas en situation de demande mais au contraire dans une démarche de séduction.
Le personnage de Klimt me fait un peu penser à Zeus dévorant et répudiant ses deux premières épouses pour s’unir à Héra mais s’en lassant rapidement et pourtant la conservant à ses côtés.
Klimt n’est plus l’amant d’Emilie Flöge, pourtant il a conserve égoïstement à ses côtés. Il lui donne sa notoriété, elle lui sacrifie sa jeunesse et la possibilité d’un avenir qui lui appartienne.
Avec Adèle, je pense aussi que Klimt est dans une relation d’amour possession. Il veut faire sa conquête et pour ce faire parsème son tableau de messages subliminaux pour son modèle afin de stimuler son désir mais au final il n’aime pas vraiment Adèle.
L’amour est ce qu’il fait, pas ce qu’il ressent.
Le personnage d’Adèle ne peut laisser personne insensible. Sa douleur lorsqu’elle apprend la mort de Fritz est terrible. Ce petit bonhomme n’aura vécu que le temps de verser un peu de sang et de répandre quelques larmes.
Les choix d’Adèle sont par la suite guidés par la perte de foi dans les valeurs dans lesquelles elle été éduquée (le rôle de l’épouse, la foi judaïque…).
Il y a un petit côté « la bourgeoisie aime se donner des frissons » dans son adhésion au socialisme. Celle-ci est d’ailleurs superficielle car tout en admettant la dictature du prolétariat, elle pense que cette mutation peut se faire sans conflit.
Il y a un côté Sissi en elle: elle a perdu foi en la monarchie en tant que régime, est généralement séparée de son mari, entretient une relation extra-conjugale et a le pressentiment de sa mort précoce.
Adèle est une héroïne dramatique mais incomplète. Les œuvres de Klimt l’ont immortalisée dans sa beauté fragile et sensuelle mais au final, elle n’atteint pas le destin ultime des héroïnes tragiques: le sacrifice.
Au contraire de vous, je n’ai pas vraiment fait de parallèle entre la vie d’Adèle Bloch Bauer et celle de sa biographe telle qu’elle se décrit dans « merci pour ce moment ».
J’aurais plutôt tendance à saluer le travail de recherche documentaire fait par Valérie Trierweiler dans ce roman qui nous fait naviguer dans les rues de Vienne à la fin de l’empire austro-hongrois et le travail des distanciation qu’elle effectue avec son propre vécu pour ne pas donner des traits trop modernes à Adèle.
Après avoir terminé ce livre, je regrette un peu que « la dame en or » ne soit plus dans le musée du Belvédère. Le personnage d’Adèle est si intrinsèquement lié à Vienne qu’il me semble qu’il aurait été juste de la laisser reposer dans cette ville, non loin de Klimt.