Bonjour à tous,
Je vous ai déjà parlé d’Edouard LOUIS lors du dernier résumé « en finir avec Eddy BELLEGUEULE ». Il s’agit d’un jeune et talentueux écrivain de 24 ans auteur de 2 des best-sellers.
Le premier ouvrage précité invite à la lecture du second.
Fidèle à lui-même Edouard nous parle de sa vie, de la vie, de la réalité de son vécu.
Seulement voila, l’auteur nous plonge sans ménagement dans le récit du vol et du viol dont il a l’été victime quelques mois plus tôt.
S’il est vrai que l’on reconnait très vite son style lent, précis et détaillé, on ressent tout de même une distance bien plus importante que dans son précédent ouvrage. Le lecteur à l’impression qu’Edouard LOUIS raconte avec froideur l’histoire d’un autre. Il décrit pourtant sans rien laisser de coté, avec une franchise dénuée de pudeur, tous les détails de l’agression et son ressenti physique comme mental.
Edouard LOUIS est particulier, c’est un fait. Mon attachement à la personne, à l’auteur, au jeune homme ne m’empêche pas de conserver mon esprit critique. Aussi je ne me permettrai pas de vous dire que c’est le meilleur livre que j’ai lu cette année. Pour ma part je le trouve bon, j’ai aimé le lire, mais je pense tout de même qu’il ne sera pas forcément apprécié de tous.
Néanmoins, je tiens à souligner que malgré mon empathie, malgré les études poussées et les recherches approfondies que j’ai déjà effectué sur le sujet, je n’avais jamais encore trouvé une description au millième de seconde du ressenti d’une victime durant une agression. Edouard ne veut pas qu’on le plaigne, et il ne prétend pas non plus avoir guéri de ses blessures, il nous livre simplement le tableau de la jeunesse actuelle, de leur façon de voir et de vivre les événements, leur sexualité libérée, et aussi leur profondes amitiés.
Et de cela il faut lui rendre hommage.
Faites connaissance avec Edouard.
Bonjour Mariella,
Je suis d’accord avec vous. Histoire de la violence est une oeuvre hyper réaliste qui décrit minutieusement les détails du vol puis du viol dont Edouard Louis est victime. Chaque mouvement, chaque respiration est passé à la moulinette de son génie littéraire avec en voix off le commentaire de sa sœur auquel s’ajoute le sien.
Tout en décrivant une scène vécue, il parvient à égratigner notre société, ses faux semblants, son hypocrisie.
Il est difficile de savoir ce qui relève du roman et de la réalité dans cette oeuvre tant chaque mot sent le vécu.
Par certains aspects cette oeuvre m’a fait penser au film « Nocturnal animals » où un écrivain envoie à la femme qu’il aime le manuscrit d’un roman où il décrit un père de famille qui, placé au départ dans une situation de conflit mineur, est incapable d’empêcher le vol de sa voiture et le viol de sa femme et de sa fille.
Les mises en abîme ou intermèdes sont fréquents dans « Histoire de la violence » car l’auteur alterne le rôle de narrateur à la première personne, d’auteur et de commentateur des commentateurs.
Je pense qu’il manque quelque chose à ce titre. Je dirais pour ma part qu’il s’agit de l’histoire d’un acte de violence ordinaire.
J’entends pas là que Reda n’est pas un serial killer ni un violeur en série. La violence latente qui sommeille en lui est alimentée, provoquée par le discours d’Edouard qui n’accepte pas d’être dépouillé de son bien.
Reda est dans la même situation que son père face au directeur du foyer qui le faisait venir pour déverser sur lui ses frustrations, ses espoirs déçus.
Edouard l’a invité chez lui et il le hait parce qu’en mettant en évidence son larcin, il l’a rétrogradé au rang du fils d’immigré qui se fait prendre à voler un bourgeois parisien.
Tout ce qui advient ensuite découle à mon sens de sa frustration, du rejet de son homosexualité, de sa honte aussi comme le montre son attitude lorsqu’il est éjecté de l’appartement d’Edouard.
Cela me fait penser à un mot de Zola dans la presse lorsqu’il dut défendre son roman « Thérèse Raquin » contre les critiques qui l’accusaient d’atteinte aux bonnes moeurs (Thérèse et son amant Laurent planifient le meurtre du mari de Thérèse). Il dit « Thérèse et Laurent sont des bêtes humaines »
Je serai tenté de dire la même chose de Reda. Ce n’est pas un monstre mais une bête humaine: un homme civilisé, policé mais qui peut exploser au contact d’une violence ressentie.
Le discours poli et intellectuel d’Edouard est pour lui une violence de classe à laquelle il répond par sa violence verbale et physique et sa colère alimente sa propre violence mais lorsqu’elle est interrompue par une riposte, il redevient un homme maladroit et pataud comme l’albatros de Baudelaire.
Edouard Louis décrit minutieusement voire cruellement comment chacune de ses actions ce soir là a un sens au vu de l’issue de la soirée.
En refermant ce livre, j’ai senti un malaise. Je me suis dit « après une enfance traumatisante et un viol, quel va être le sujet de son prochain roman? »
J’espère vraiment pour Edouard Louis qu’il n’aura pas à subir une nouvelle expérience traumatisante pour écrire son prochain roman.
Ce n’est sans doute pas un chef d’oeuvre mais c’est en tout cas une nouvelle oeuvre réussie pour cet auteur très prometteur.