123-en-finir-avec-eddy-bellegueuleJ’ai rencontré Edouard LOUIS par hasard. Un jour en zappant, je suis tombée sur un reportage tout en douceur. Blond, la peau diaphane, la voix doucereuse, le ton empreint de réserve, j’ai trouvé le personnage atypique. J’ai regardé attentivement la fin de l’émission buvant chacune des paroles de ce jeune écrivain. J’ai été séduite par ce garçon délicat qui à l’âge de 24 ans seulement est déjà l’auteur de 2 ouvrages rapidement devenus des Best-seller.

Curieuse, je me suis ruée dans un point presse afin de me procurer ses ouvrages.

Très logiquement j’ai commencé ma lecture par le premier livre : « En finir avec Eddy BELLEGUEULE ». Je me demandais ce qui pouvait faire qu’un si jeune homme veuille en finir avec celui qu’il avait été, et de façon si ouverte, au point de changer officiellement de nom pour devenir Edouard LOUIS. Il était nécessaire que je comprenne comment et pourquoi, pour reprendre ses propres mots dans le second ouvrage, « il utilisait l’après pour donner du sens à l’avant ». Fallait-il que l’avant ait été si douloureux ?

La critique sur l’ouvrage d’Edouard LOUIS est unanime. Ce livre est incroyable, il est bon. Ce qui explique que l’ouvrage soit déjà traduit en plus de 20 langues.

Cru, avec le souci du détail, le livre jette un regard froid et dur sur la pauvreté crasseuse, l’homosexualité et l’homophobie telle qu’elle est vécue dans les petits villages, les petites bourgades. Le récit parle aussi du racisme mais surtout, il relate le quotidien des personnes simples, modestes. Un quotidien qui oscille entre le travail à l’usine ou dans les caisses des petites supérettes et la téloche comme ils l’appellent. Edouard décrit un monde de bouseux incultes et violents, il décrit la crasse de ceux qui ne se brossent jamais les dents et même la crasse sur les murs des chambres, les lits qui s’effondrent, les fenêtres de carton qui laissent passer l’humidité.

Parlant sans retenue de certains aspects de la vie des villages de France, de l’émancipation sexuelle des jeunes désœuvrés et sans directives, Edouard choque, il ne fait pas dans la romance ! Mais on aperçoit également, non sans mal, les bribes de la vie d’un homo des années soi-disant « modernes » ! A bon entendeur !

On peut admirer le courage exceptionnel ou la naïveté de l’auteur qui dénonce toute l’horreur de sa vie (selon son jugement), sans nous ménager, quand on sait que la «paix sociale» repose sur l’acceptation silencieuse d’inégalités persistantes et croissantes et ou le citadin lettré, cultivé semblent s’opposer de façon si brillante voire apaisante au monde des pauvres assimilés à des barbares ! Coup de pied dans la fourmilière ou aveuglement passager d’un jeune homme en rébellion ?

L’ouvrage met l’accent sur la fuite en avant de cet enfant qui ne veut pas vivre comme ses parents, qui veut découvrir un autre monde, sans avoir de plan ni la certitude de jamais y parvenir.

En finir avec Eddy BELLEGUEULE est pour certains un « cri de colère» ou l’expression de «son dégoût devant le mythe – tenace – qui fait des prolétaires de braves bêtes, gentils au fond, des bons vivants». Tous les avis sont permis! On pourrait aussi juger qu’Eddy BELLEGUEULE rejette ses origines, dire ou penser qu’il n’était pas obligé de changer de nom, ni même de nous raconter ses expériences intimes … voire trop intimes !

Eddy BELLEGUEULE s’en sort mais qu’en est-il de tous les autres ?

Quels que puissent être nos points de vue, il n’empêche que pour ceux qui aiment savoir, qui aime se tenir informé, qui aime la nature humaine et ses vicissitudes, ceux qui connaissent la paix qu’apporte l’écriture, ceux qui aime la littérature, cet ouvrage est un chef d’œuvre qui ne laisse pas indifférent.